Margaret Dickenson, autrice de livres de cuisine et animatrice télé, est assise à côté de la petite pierre qu’elle a ramassée à Juno Beach, sur la côte ouest de la France, en 2017. Cette pierre l’aide à se souvenir des nombreux Canadiens qui ont combattu pour la paix, surtout aujourd’hui, alors que celle-ci semble s’effriter. Photo : Ashley Fraser
Les « petits cadeaux » abondent dans la culture populaire, du dramatique (comme « Bouton de rose », nom du traîneau d’enfance lancé à son dernier souffle par le personnage principal du film Citoyen Kane) au touchant (le nouveau journal intime que M. Darcy offre à la fin du film Le Journal de Bridget Jones).
Nous avons demandé à des membres de Retraités fédéraux de nous faire part de leurs propres « petits cadeaux » qu’ils ont reçus et qui, avec le temps, ont eu un effet démesuré se manifestant par du bonheur, de la joie, de l’amour, de la sagesse, de la gratitude ou un autre sentiment. Au final, nous avons retenu de petits objets physiques faisant office de talismans pour leurs destinataires. Voici quatre histoires, où les bénéficiaires s’expriment dans leurs propres mots, revues pour la longueur et la clarté.
La précieuse pierre de Margaret Dickenson
Margaret Dickenson a accompagné son mari lors de ses huit affectations d’une carrière diplomatique de 28 ans. Elle vit à Ottawa. « C’était en 2017, environ six mois avant que [mon mari] Larry ne décède. Nous avions planifié ce voyage pour notre 50e anniversaire de mariage, sans imaginer que Larry allait nous quitter.
« Nous avions organisé un voyage dans les capitales du nord de l’Europe, ainsi qu’une tournée des cimetières militaires et des monuments de la Belgique et de la France. Ce fut une visite très émotive et profondément appréciée, la meilleure partie du voyage pour l’aspect humain. Avec une histoire dont il faut se souvenir.
« Nous avons commencé à Ypres, en Belgique, à la Porte de Menin, où sont gravés les 55000 noms de soldats britanniques [et du Commonwealth] tués ou portés disparus pendant la [Première Guerre mondiale]. C’était le soir, lors de la Sonnerie aux morts, une cérémonie si longue que, en fait, on a apporté une chaise pour que Larry puisse s’asseoir. Il était très émouvant d’entendre parler de tant de soldats du Commonwealth morts.
« Le lendemain, nous sommes allés à Essex Farm, où un centre médical temporaire avait été aménagé. C’est là que John McCrae a écrit son célèbre poème Au champ d’honneur. L’émotion ne cessait de monter. Nous sommes allés visiter la crête de Vimy, un monument au courage des troupes canadiennes, puis à Passchendaele et à Dieppe [où 3367 soldats alliés furent blessés et 916 Canadiens périrent.]
« Notre dernière étape fut Juno Beach, et c’est là que mon histoire prend tout son sens. Le 6 juin 1944 — le jour J —, c’était l’une des cinq plages du débarquement des Alliés venus libérer la France des Allemands. Nos guides ont décrit combien de soldats ont été abattus dans l’eau, c’était déchirant. « Nous faisions partie d’un groupe, et beaucoup ne voulaient pas descendre sur la plage, car il pleuvait et faisait mauvais temps. Larry et moi y sommes allés, avec quelques autres personnes. On nous a vite appelés, car l’autobus allait partir, alors nous avons remonté la berge en vitesse et Larry a dit : “Je dois retourner chercher un caillou. Tellement de Canadiens sont passés par ici, ils se sont battus pour nous.” J’ai couru, j’ai ramassé cette petite pierre et je l’ai glissée dans ma poche.
« À notre retour, je l’ai posée sur la table de la salle à manger. Elle ressemble à un canard. Elle n’a jamais bougé du centre de la table, mais personne ne la remarque à moins que je ne raconte l’histoire.« Chaque fois que je la regarde, elle me rend heureuse de savoir que le monde s’est battu si fort pour la paix. C’est particulièrement émouvant aujourd’hui, car nous luttons encore pour la paix. C’est un symbole de notre combat pour la paix. »
La boîte d’amour d’Anne Bisson
Anne Bisson est retraitée de Service correctionnel Canada et vit à Kingston, en Ontario. « J’ai trois enfants. Mon aîné m’a offert cette petite boîte quand il était en maternelle. Elle est scellée et on peut y lire ceci dessus : C’est un cadeau très spécial que tu ne peux jamais voir. Margaret Dickenson tient une photo d’elle et de son mari, Larry, ainsi que la pierre qu’il lui avait suggéré de ramasser à Juno Beach. La raison pour laquelle il est si spécial, c’est qu’il vient de moi. Si jamais tu te sens triste, il te suffit de tenir ce cadeau et de savoir que je pense à toi. Tu ne peux jamais le déballer. Laisse le ruban attaché. Tiens simplement la boîte contre ton cœur. Elle est remplie d’amour.
« Quelques années plus tard, mon plus jeune était triste de ne rien avoir à m’offrir pour Noël, alors il a fabriqué une autre boîte. Il me l’a apportée tout heureux en disant : “Tiens, maman, c’est pour toi.” Je l’ai ouverte, et elle était vide. J’ai dit : “Oh, c’est charmant, dis-moi tout.” Il a répondu : “C’est une boîte pleine d’amour, maman.” « Bien des années plus tard, mon petit-fils m’a offert une autre boîte pleine d’amour et, chaque année, [mon fils et mon petit-fils] viennent y mettre leurs visages et y verser plein d’amour pour qu’elle reste remplie. « C’est merveilleux. Que peut-on demander de mieux que de l’amour pour Noël? »
Les fils aîné et cadet d’Anne Bisson lui ont tous deux offert des boîtes « vides » à Noël. Ces boîtes contiennent leur amour et ils les remplissent chaque année. Aujourd’hui, un petit-fils fait de même. Photo: Jackie Larkin
La merveilleuse montre de Dorma Grant
Dorma Grant est retraitée de Service correctionnel Canada et vit à Fredericton. « Je me souviens de mes 12 ans, quand je voulais une montre pour Noël. Maman n’a rien promis. Elle a emballé un petit cadeau et l’a posé sur le rebord de la fenêtre près du sapin, en disant que c’était pour moi. Étant impulsive, je l’ai soigneusement déballé et j’ai trouvé un médaillon, qui était en fait pour ma sœur. J’étais horrifiée. Je ne voulais pas de médaillon. Je voulais une montre.
Bien sûr, je ne pouvais rien dire, alors j’ai passé le reste de l’avant-Noël dans une profonde déception. « Le matin de Noël, j’ai reçu une magnifique montre du magasin qu’on appelle aujourd’hui Peoples Jewellers. C’était une montre d’adulte, dorée avec un bracelet extensible étroit. Un petit autocollant au dos indiquait 19,95 $. C’était beaucoup d’argent en 1961, et ma mère pensait que j’étais assez grande pour prendre soin de la montre.
« Je l’ai portée tout le temps jusqu’à mon entrée à l’école de soins infirmiers, où j’avais besoin d’une montre avec une trotteuse. Je l’ai gardée pour les grandes occasions. Je l’ai eue jusqu’à mes 30 ans environ. Un jour, en faisant la lessive, elle est apparue dans la laveuse. Mon fils l’avait prise après avoir cassé sa propre montre. Ce fut la fin de ma belle montre. « Je n’ai jamais oublié la fierté que j’ai ressentie, alors que j’étais en sixième année, et la confiance que ma mère m’avait accordée pour en prendre soin. »
Les tartelettes au beurre de Lucy Van Oldenbarneveld
Lucy Van Oldenbarneveld est retraitée de CBC et consultante en communications à Ottawa. « L’un de mes grands amis à l’école secondaire était David Smith. Nous sommes allés ensemble au bal de fin d’année et nous sommes restés en contact de temps à autre pendant les 20 ou 30 années suivantes, mais sans lien très étroit.
« J’adorais aller chez David après l’école, car sa mère préparait les meilleures tartelettes au beurre que j’aie jamais goûtées. J’en raffolais. Il savait que c’était mon péché mignon. Mais au fil des années, évidemment, nous ne parlions plus vraiment de tartelettes au beurre.
« Quand j’ai suivi une chimiothérapie il y a dix ans, David a demandé la recette à sa mère et a appris à les faire. C’était la première fois qu’il les préparait lui-même. Il a trouvé un ami qui faisait le trajet de Toronto à Ottawa et les lui a confiées pour qu’il les dépose sur mon perron. Penser à ces douze tartelettes au beurre m’émeut encore profondément. »