Protegez-vous contre la fraude par telephone et en ligne

04 juin 2020
Utilisation d'un smartphone.
Redoublez de vigilance, car les arnaques sont de plus en plus sophistiquées.
 

Quand un appel automatisé m’a appris que j’avais gagné 2 550 000 $ dans un tirage au sort, j’ai tout de suite raccroché. Trop tard, selon Martin Franssen. À son avis, ma première erreur a été de répondre à un appel provenant d’un numéro ou individu inconnu. Il vaut mieux en laisser le soin à sa messagerie vocale. Si l’appel est légitime, il suffit de rappeler. Répondre indique aux fraudeurs usant de systèmes informatisés que le numéro de téléphone est valide. De plus, la voix est susceptible d’indiquer l’âge, et du même coup la vulnérabilité potentielle. Ces renseignements sont consignés sur une liste de numéros valides, qui est ensuite vendue aux fraudeurs.

M. Franssen, enquêteur sur la fraude auprès de la police régionale de Durham, en Ontario, est ardent défenseur des aînés. Dans son temps libre, il fait des présentations partout en Ontario et revendique des modifications juridiques qui, selon lui, protègeraient mieux les aînés contre la victimisation d’ordre financier.

Ses inquiétudes se fondent sur toute une gamme d’études et de statistiques qu’il a réalisées en sa qualité d’enquêteur. Selon des chiffres compilés par le Centre antifraude du Canada (CAFC), les Canadiens ont perdu 113 millions $ par la fraude en 2018. Et 25,3 % de ce montant, soit 28 millions $, ont été extorqués à des aînés, une surreprésentation par rapport à 16,8 % pour les plus de 65 ans dans la population totale (chiffres tirés du recensement de 2016). Au cours des deux premiers mois de 2020, le Centre a dénombré 7 804 signalements de fraude représentant des vols s'élevant à 9,2 millions $.

À la suite du processus de consultation publique sur les pratiques de vente au détail trompeuses ou agressives dans le secteur des communications mené en 2018, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a conclu que 75 % des aînés avaient été victimes de pratiques de vente trompeuses ou agressives. Dans le cadre de son enquête nationale sur les mauvais traitements aux aînés canadiens, l’Initiative nationale pour le soin des aînés a découvert que 2,6 % des aînés avaient pu être financièrement exploités en 2015. La même enquête a établi que, dans 37 % des incidents, le coupable était un enfant ou petit-enfant d’âge adulte, tandis que dans 10 % des cas, il s’agissait d’un inconnu. Le problème, selon les experts, est que la grande majorité des escroqueries ne sont pas signalées; en fait, on estime que les autorités sont informées dans seulement cinq pour cent des cas.

« Les fraudeurs insufflent un sentiment d’urgence. Lorsque les gens le ressentent, ils ne raisonnent pas forcément aussi clairement », explique Kathy Majowski, présidente du Réseau canadien pour la prévention du mauvais traitement des aînés et infirmière à Winnipeg. « Les fraudeurs poussent les gens à régler ça vite avant d’avoir la chance d’y réfléchir. »

Selon elle, c’est ce qui contribue à la sous-notification, car une fois que le mal est fait, la victime se dit souvent qu’elle n’aurait jamais dû se laisser attraper. Et certaines personnes pourraient craindre pour leur indépendance si on s’interroge sur leur capacité à gérer leurs finances. Mme Majowski souligne que les fraudeurs sont des experts en la matière qui ont peaufiné leurs démarches pour se donner toutes les chances de succès. Elle encourage les aînés à obtenir de l’aide auprès du Centre antifraude, de la police ou d’organismes de défense des consommateurs.

Leanne Coleman-Kamphuis, infirmière à la retraite et présidente de la Section du centre du Manitoba de Retraités fédéraux, a assisté l’an dernier à l’assemblée publique du Conseil national des aînés à Winnipeg, dans le cadre de ses activités continues d’information de son effectif. Elle estime que les aînés constituent une cible particulièrement vulnérable aux attaques de plus en plus fréquentes et sophistiquées des fraudeurs, d’autant plus qu’elle a failli tomber dans le piège elle-même.

Un jour qu’elle travaillait à l’ordinateur, une fenêtre contextuelle s’est affichée à l’écran, l’avisant que son appareil avait un virus et qu’elle devait appeler le numéro de téléphone indiqué, ce qu’elle a fait. Entendant la conversation, son mari a pris le téléphone et a posé des questions précises qui ont permis au couple de conclure qu’il s’agissait d’une arnaque. « Je me suis dit que si je m’étais presque fait attraper, cela risquait fort d’arriver à des personnes plus âgées », confie Mme Coleman-Kamphuis, qui aura 59 ans en juin.

Il n’y a pas si longtemps encore, les fautes d’orthographe et la mauvaise grammaire révélaient les courriels suspects. Maintenant, ceux-ci ressemblent fort aux messages des véritables fournisseurs de service et proviennent d’adresses électroniques qui ont l’air légitimes, ou presque. Mais les experts suggèrent d’examiner attentivement l’adresse de l’expéditeur ou tout lien sur lequel on envisage de cliquer. En effet, il n’est pas rare que la lettre i majuscule soit remplacée par le chiffre 1, ce qui peut jouer un tour aux yeux et donner une impression de bien-fondé.

Parfois, même y regarder de très près ne suffit pas. Le Centre antifraude du Canada a annoncé sur son site Web qu’il avait lui-même été victime de contrefaçon après avoir appris que certains sites Web usant de faux noms de domaine se faisaient passer pour lui et que jusqu’à son numéro de téléphone sans frais apparaissait sur les afficheurs, masquant ainsi les véritables numéros utilisés par les fraudeurs.

Plus tôt cette année, les autorités ont inculpé des co-conspirateurs canadiens accusés d’avoir monté un réseau d’appelants de l’Inde se faisant passer pour des employés de l’Agence du revenu du Canada, et d’avoir ainsi extorqué au moins 17 millions $ entre 2014 et 2019. D’autres fraudeurs prétendant appartenir au gouvernement fédéral en ont vite fait autant. Et, ce printemps, la pandémie a donné lieu à toute une série de nouvelles arnaques.

« Tout le monde doit être vigilant, car une nouvelle escroquerie peut naître tous les jours », remarque Josephine Palumbo, sous-commissaire de la Direction des pratiques commerciales trompeuses du Bureau de la concurrence Canada, avant de réciter une longue liste de produits et services trompeurs signalés depuis le début de la crise sanitaire de la COVID-19. Certains fraudeurs prétendent avoir des tests, des moyens de prévention ou des remèdes mais, comme le souligne Mme Palumbo, Santé Canada n’a rien approuvé de tel. Qui plus est, des vendeurs de masques, de ventilateurs et de médicaments ont été accusés d’écouler des produits défectueux et périmés.

Dans le cadre de ses activités de prévention, Mme Palumbo préconise une démarche de sécurité en trois étapes : reconnaître un courriel, appel téléphonique ou baratin à la porte suspect, le rejeter et le signaler au moyen du formulaire de plainte en ligne du Bureau de la concurrence ou à la police.

M. Franssen conseille en outre de laisser son répondeur trier les appels qu’on n’attend pas ou en provenance de numéros inconnus. Les téléphones cellulaires permettent de bloquer les appels. À son avis, la plupart des gens sont également trop confiants en matière de courriels. Il suggère de ne jamais présumer que l’expéditeur est bien qui il prétend être, de confirmer son identité à l’aide de plusieurs questions, et de ne jamais effectuer de transactions financières uniquement par courriel.

L’important est de ne jamais rappeler le numéro de téléphone fourni ni répondre à fr l’adresse électronique indiquée, mais au contraire chercher le numéro de l’organisme visé. Dans le cas de l’ARC ou de tout autre organisme fédéral, composez le 1-800-O-Canada
(1-800-622-6232) et demandez le ministère ou service en question. « On vous dira vite si on cherche à vous rejoindre ».

Mme Majowski estime qu’il faut soupçonner toute transaction dans laquelle on réclame un virement télégraphique, des cartes-cadeaux comme celles d’iTunes ou des cartes de crédit prépayées, car ces instruments monétaires s’apparentent à de l’argent comptant : il est difficile de les retracer et il y a très peu de chances de recouvrer son argent. Comme les institutions financières et compagnies émettrices de cartes de crédit intègrent une certaine couverture d’assurance à leurs produits et services, elles ont de meilleures chances de pouvoir suivre la piste des fonds et de les récupérer. Mme Majowski conseille aux aînés de se tenir au courant des dangers et des escroqueries, affirmant que, « dans ce cas, le savoir, c’est le pouvoir ».
 

Pour plus de renseignements, consulter le Petit livre noir de la fraude du Bureau de la concurrence ou la Liste de mises en garde pour les consommateurs publiée par le gouvernement ontarien, dans laquelle il est possible d’effectuer une recherche. 

 

Cet article a été publié dans le numéro de de l’été 2020 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?