Retour sur les excuses de la ministre Anand

25 juillet 2022
La ministre de la Défense Anita Anand.
En décembre dernier, la ministre de la Défense Anita Anand a présenté des excuses virtuelles et officielles au nom du gouvernement fédéral à tous les membres actuels et anciens des Forces armées canadiennes qui ont été victimes d'agression sexuelle, de harcèlement ou de discrimination en milieu de travail.
 

Le 13 décembre 2021, la ministre de la Défense Anita Anand a présenté des excuses publiques aux victimes d'inconduite sexuelle, au nom du gouvernement fédéral.

Cela comprend les agressions sexuelles, le harcèlement sexuel et la discrimination fondés sur le sexe, le genre, l'identité sexuelle ou l'orientation sexuelle.

La ministre a admis que « l'institution même chargée de protéger et de défendre notre pays n'a pas toujours protégé et défendu ses propres membres ».

Les excuses ont été ordonnées dans le cadre du règlement en 2019 du recours collectif de 900 millions de dollars intenté contre le gouvernement fédéral au nom des victimes. Le règlement exigeait aussi d’accepter les recommandations de deux juges de la Cour suprême et le rapport de la juge Arbour, d’adopter le projet de loi C-77 et de produire une déclaration des droits des victimes dans l'armée.

Mais les vétéranes touchées que Sage a interviewées estiment que les choses n’ont guère changé.

Par texto depuis l'Ukraine, où elle aide à nourrir les réfugiés, Annalise Schamunh dit qu'elle faisait partie des survivantes que la ministre Anand a contactées avant les excuses. Elles se sont rencontrées quelques jours plus tard.

« Je pense vraiment qu'elle comprend. Elle a soigneusement évité de s’immiscer dans mon expérience », dit Mme Schamunh.

Selon Maya Eichler, professeure agrégée d'études politiques et féminines à l'Université Mount Saint Vincent de Halifax, le dossier progresse, mais pas assez rapidement.

À son avis, « Après le rapport Arbour, la tâche essentielle sera de mettre en place une surveillance externe efficace pour suivre les progrès de l'armée dans la mise en oeuvre de ces recommandations ».

Carolyn Hughes, victime de harcèlement, est déçue des nombreuses transgressions depuis les excuses, dont les atteintes à la confidentialité des renseignements personnels des demandeurs du recours collectif; une peine de seulement 80 heures de travaux communautaires pour l'ancien chef d’état-major de la défense et général à la retraite Jonathan Vance; et la démission de deux hautes gradées de la BFC Halifax, parce que la direction a refusé de tenir trois subordonnés responsables d’avoir tenté de dissimuler un cas d'inconduite sexuelle.

Pour Louise Siew, une survivante d'Ottawa qui a pris sa retraite en 2010 alors qu'elle était capitaine de la marine, la dissimulation de l'affaire d'Halifax montre que rien n'a changé. Elle reproche aux collèges militaires d'avoir créé une culture où les membres apprennent à se protéger mutuellement au détriment de tout le reste.

Établie à Victoria, Diane Dewar s'est engagée jeune dans la marine. Devenue réserviste à 18 ans, elle est partie six ans plus tard pour élever sa famille. À son retour 11 ans plus tard comme réserviste, elle a travaillé sept ans au quartier général. Sa demande au recours collectif a été acceptée. Elle est déçue que le premier ministre ne se soit pas excusé.

« [Il a] fait des excuses à tous les groupes qui se sont présentés depuis 2015. La ministre n'est pas en poste depuis longtemps. C'est une femme très intelligente et très accomplie, mais ça m'a déplu », précise Mme Dewar.

Karen Breeck, ancienne médecin de l’air de l'Agence spatiale canadienne et des FAC, affirme que l'armée qu'elle aime ne changera pas tant que cela ne viendra pas du sommet.

À son avis, les Canadiens doivent définir le rôle de l'armée. Veulent-ils une armée principalement destinée à intervenir en cas de catastrophe? Ou une force de combat du XXIe siècle où les compétences en TI et la cyberguerre peuvent être nécessaires? Avec ces réponses, le Canada pourrait recruter une armée moderne, qui pourrait ne pas être composée de 70 % d'hommes blancs, comme c'est le cas aujourd’hui.

 

Cet article a été publié dans le numéro de l’été 2020 du magazine Sage, dans notre rubrique « Le coin des vétérans », qui se penche sur les enjeux actuels concernant les vétérans et répond aux questions que nous adressent nos membres vétérans et leurs familles. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?