La Caisse du RPRFP est déficitaire – réalité ou fiction?

02 juin 2016
jar of pension money
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Bernard Dussault

 

Les données actuarielles publiées l’automne dernier (2015) sur le Régime de pension de retraite de la fonction publique (RPRFP) indiquent qu’au 31 mars 2014, le RPRFP présente un déficit d’un peu plus de 3,6 milliards $. Il est toutefois important de comprendre ce qui suit par rapport aux droits à pension accumulés avant et depuis le 1er avril 2000.

 

Le compte du Régime de pension de retraite de la fonction publique (RPRFP) (jusqu’au 31 mars 2000)

Avant le 31 mars 2000, tout montant recueilli dépassant les dépenses relatives aux droits à pension accumulés était transféré au compte du RPRFP dans le Trésor du gouvernement. Il n’y avait pas de fonds de pension spécifique. Cela signifie qu’aucun actif de pension réel n’existait pour les droits accumulés avant avril 2000. Le RPRFP était financé sur la base de la comptabilisation au décaissement.

Par conséquent, les actifs dans le compte du RPRFP, se chiffrant à un peu plus de 96,5 milliards $, sont théoriques. Malgré cela, le rapport actuariel de mars 2014 montre une insuffisance actuarielle de seulement 0,68 milliard $, alors qu’elle est plus précisément de 97,2 milliards $. Cette dernière donnée représente le passif total en ce qui concerne les pensions accumulées jusqu’en mars 2000.

 

La Caisse du RPRFP (après le 1er avril 2000)

Depuis avril 2000, tout montant recueilli dépassant les dépenses relatives aux droits à pension accumulés du RPRFP est transféré à la Caisse de placement du RPRFP. Le financement des prestations de retraite nouvellement accumulées est passé d’une comptabilisation au décaissement à unprovisionnement intégral. Cela signifie que le montant requis pour payer les prestations de retraite accumulées est versé au moment où chaque prestation de retraite est accumulée plutôt que lorsque les prestations de retraite deviennent payables.

Le rapport actuariel de mars 2014 indique que la Caisse du RPRFP présentait un déficit d’un peu plus de 3,6 milliards $ relativement aux pensions accumulées depuis avril 2000. Je crois toutefois que le Fonds avait en fait un surplus de plus de 2,6 milliards $. J’attribue cette différence à une procédure actuarielle appelée le « lissage de l’actif » dont je juge fermement l’utilisation inappropriée.

 

 

Le lissage de l’actif

Le lissage de l’actif est une méthode utilisée dans des rapports actuariels pour modérer la volatilité de la valeur marchande déclarée des actifs d’un régime de pension. Les meilleures pratiques suggèrent que lorsqu’un régime adopte une méthode de lissage de l’actif pour l’évaluer, il devrait le faire constamment. L’intention première de cette méthode est de réduire le montant des cotisations supplémentaires requises si et lorsque le régime présente un déficit important. Les risques comprennent devoir trop payer pendant un certain temps après le recouvrement d’une dette.

 

La Caisse du RPRFP présentait en fait un surplus le 31 mars 2014, pas un déficit

Je prétends que la Caisse du RPRFP présentait un surplus de 2,6 milliards $ plutôt qu’un déficit de 3,6 milliards $ le 31 mars 2014, comme indiqué dans le Tableau 7 à la page 14 du rapport actuariel. Voici les raisons pour lesquelles ses actifs actuariels n’auraient pas dû être lissés :

  • Le lissage de l’actif modifie une valeur réelle/connue dans le cadre d’une évaluation actuarielle qui doit déjà se fier à une prévision de nombreuses valeurs inconnues (p. ex., des hypothèses de nature économique et démographique). En d’autres mots, il privilégie la fiction plutôt que la réalité.
  • Il surestime le coefficient de capitalisation si et lorsque le régime est déficitaire et à l’inverse, le sous-estime si et lorsque le régime est excédentaire.
  • Il a le désavantage désagréable d’exiger possiblement, pendant un certain temps, des cotisations supplémentaires, même lorsque le régime est excédentaire. 

 

 

Pourquoi est-ce important?

Aucun employeur ne désire offrir un régime de pension à PD à ses employés. Cependant, ceux qui le font, comme le gouvernement fédéral canadien, sont devenus plus préoccupés que jamais par rapport à la volatilité de leurs obligations financières sous-jacentes. Cela est en majeure partie en raison du fait que la valeur marchande de la plupart des fonds de pension à PD a chuté de manière substantielle en 2008, le creux le plus bas depuis le krach boursier de 1929.

Depuis, la conversion des régimes de pension à PD en des régimes de pension à prestations cibles (PC) est devenue plus attrayante pour les promoteurs de régimes à PD afin de stabiliser complètement les dépenses liées aux pensions engagées chaque année. En vertu d’un régime à PC, l’employeur répondant est libre de tout risque financier (autre que de devoir verser sa part déterminée du coût du régime). Les risques financiers d’un régime à PC sont complètement assumés par ses membres, tant actifs qu’à la retraite. En ayant le choix, certains membres actifs peuvent accepter d’assumer les risques concernés, consistant en des fluctuations annuelles du montant de leurs cotisations, mais des régimes à PC considèrent également des réductions des pensions déjà payables. De telles réductions vont à l’encontre de la législation relative aux pensions couvrant les régimes à prestations déterminées aux niveaux fédéral et provincial (sauf au Nouveau-Brunswick depuis le 1er janvier 2014).

On espère que le gouvernement libéral fédéral actuel ne mettra pas en place la loi proposée par l’ancien gouvernement conservateur, qui permettrait à environ 1 500 employeurs sous réglementation fédérale de convertir leur régime à PD en un à PC (et une loi semblable concernant le RPRFP).

 


Bernard Dussault est un actuaire-conseil se spécialisant en pensions et en régimes d’assurance collective. Fellow de la Society of Actuaries et de l’Institut canadien des actuaires, M. Dussault a travaillé pour une compagnie d’assurance privée pendant près de dix ans avant de se joindre au Bureau de l’actuaire en chef. De 1992 à 1998, il était l’actuaire en chef pour le Régime des pensions du Canada (RPC), le Programme de la sécurité de la vieillesse (SV) et les cinq principaux régimes de retraite de la fonction publique fédérale. De 2003 à 2011, il était l’agent principal de recherche et de communication pour l’Association nationale des retraités fédéraux.

 

M. Dussault offre des services de consultation sur des questions relatives à la pension et la réforme des pensions au niveau national et international. Il est l’auteur de nombreux articles et de nombreuses monographies sur les pensions et leur financement.