Une mise à jour économique avec des dépenses record pour stimuler l’économie

02 décembre 2020
Pour en savoir plus sur la mise à jour économique fédérale
Avec sa mise à jour économique de l’automne, le gouvernement fédéral prévoit un déficit record pour relancer l’économie canadienne.
 

Pour la population canadienne, le fait saillant de l’énoncé économique de l’automne tant attendu et dévoilé lundi est que le Canada prévoit dépenser 100 milliards de dollars supplémentaires pour la lutte contre la pandémie au cours des trois prochaines années, qui s’ajoutent aux 381 milliards de dollars de dépenses d’urgence actuelles.


« Une mise de fonds pour l’avenir »

La vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland a déclaré que le plan budgétaire du gouvernement vise à ce que « notre économie puisse revenir en force, une fois que nous aurons vaincu cette pandémie ».

Le plan de Mme Freeland prévoit que le gouvernement dépensera entre trois et quatre pour cent du produit intérieur brut du Canada au cours des trois ou quatre prochaines années pour relancer l’économie et lui donner une chance de se redresser. Le déficit augmentera en 2020-2021, il est prévu se réduire progressivement d’ici 2025-2026. Elle a déclaré que le gouvernement essaie d’éviter les dommages budgétaires à long terme de la COVID-19, en espérant créer un million d’emplois pour ramener l’économie à son niveau d’avant la pandémie, ce qu’elle a qualifié de « mise de fonds pour l’avenir ».

Mme Freeland a déclaré que son gouvernement ne commettra pas les mêmes erreurs que les gouvernements précédents après la récession de 2008, comme lorsque le premier ministre de l’époque, Stephen Harper, avait réduit les dépenses fédérales de manière générale avec le plan d’action de réduction du déficit de 5 à 10 % — des mesures d’austérité qui avaient limité trop rapidement les dépenses de relance et avaient nui à la croissance économique.

Comparativement à notre économie, les frais de service de la dette fédérale demeurent à leur niveau le plus bas depuis 100 ans, a-t-elle ajouté. En raison de ces niveaux historiquement bas, le gouvernement n’hésite pas à s’endetter davantage.

« C’est un programme féministe et je le dis fièrement », a déclaré Mme Freeland, avant d’annoncer de nouvelles dépenses ciblées pour aider les femmes et les catégories vulnérables de la population.

Les personnes de couleur, les autochtones, les immigrants et les femmes sont les plus susceptibles d’être les plus touchés par la pandémie, a-t-elle souligné. Mme Freeland a annoncé qu’elle posait les bases d’un système national d’apprentissage de la petite enfance et de garde d’enfants, en s’inspirant d’un modèle québécois.

Le gouvernement tentera de réduire la dette étudiante en éliminant les intérêts sur la partie fédérale des prêts canadiens pour les étudiants et les apprentis pour 2021 et 2022.
 

Personnes âgées et soins de longue durée

Les personnes âgées, en revanche, ont été à peine mentionnées dans le discours. Mme Freeland a parlé de la menace que la COVID-19 représente pour la santé des Canadiennes et des Canadiens âgés, a loué le travail accompli par les Forces armées canadiennes déployées dans les établissements de soins de longue durée et a mentionné que les personnes âgées ont reçu un supplément spécial de 300 $ de la Sécurité de la vieillesse au printemps. Le document de mise à jour économique, d’autre part, reconnaît l’impact disproportionné de la COVID-19 sur les personnes âgées au Canada.

Mme Freeland a annoncé l’octroi d’un milliard de dollars à la création d’un fonds de soins de longue durée sûrs, pour aider les provinces et les territoires à gérer leurs établissements en toute sécurité pendant la pandémie. Le plan économique détaillé indique que le financement sera lié à des plans de dépenses détaillés et affecté selon une base équitable par habitant. En d’autres termes, les provinces et les territoires devront prouver que les investissements ont été effectués conformément aux plans de dépenses qu’ils ont présentés. Les activités pourront comprendre la prévention et le contrôle des infections, l’amélioration de la ventilation et des mesures de dotation en personnel comme des embauches supplémentaires ou des compléments de salaire.

Un montant supplémentaire de 6,4 millions de dollars sur deux ans aidera la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé à étendre son initiative SLD+, et on réservera un million de dollars pour déterminer les ressources permettant d’évaluer l’état de préparation des établissements de soins de longue durée et de se concentrer sur la formation à la prévention et au contrôle des infections. Enfin, 2,4 millions de dollars sur trois ans permettront à Santé Canada d’accroître sa capacité à soutenir de nouvelles initiatives en matière de SLD et de s’attaquer à définir de nouvelles politiques.

La mise à jour économique détaillée a réaffirmé l’engagement du gouvernement énoncé dans le discours du Trône de travailler à l’élaboration de normes nationales pour les soins de longue durée, mais n’a pas défini de feuille de route pour aider le Canada à négocier ce terrain miné sur le plan de la compétence (provinciale, territoriale et fédérale). Selon le gouvernement, les solutions générales qui pourraient être explorées pourraient inclure des mesures visant à améliorer la rétention et le recrutement de travailleurs qualifiés pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur des soins de longue durée et à domicile. Ces solutions pourraient comprendre de meilleures options d’épargne-retraite pour les travailleurs à revenu faible et modeste, en particulier ceux qui ne bénéficient pas d’un régime de retraite offert par l’employeur.

« Les mesures visant à garantir que le financement du fonds de soins de longue durée sûrs sera consacré à des activités qui feront la différence dans les établissements de soins de longue durée est une évolution positive. Nous avions demandé une meilleure coordination et une plus grande responsabilisation, et nous sommes heureux de constater que le gouvernement est à l’écoute », a déclaré le président de l’Association nationale des retraités fédéraux, Jean-Guy Soulière. « La façon dont nous sortirons de cette pandémie et de la crise qu’elle a mise en évidence dans le secteur des soins de longue durée nous définira en tant que société. Il est temps que les gouvernements se mettent à la table des négociations et s’attaquent à ce problème. Nous avons dépassé le stade des paiements spéciaux uniques, nous avons dépassé le stade des promesses. Nous avons besoin d’un leadership fédéral, d’une collaboration provinciale et territoriale, ainsi que d’une volonté et de mesures politiques pour revoir notre vision collective de la forme que devraient prendre les soins de longue durée au Canada — et nous en avons besoin maintenant. »

Le Fonds d’urgence pour les vétérans d’Anciens Combattants Canada, qui vient en aide aux vétérans dont le bien-être est menacé en raison de situations urgentes et inattendues, recevra une augmentation de 600 000 dollars.

Aucune mention du régime national d’assurance-médicaments promis n’a été faite. Comme on s’attend à un budget officiel au printemps, un tel régime pourrait être utilisé comme tremplin électoral par un gouvernement minoritaire défait.
 

Familles, avions, arbres et Netflix

Fait peu surprenant, Mme Freeland a vanté les succès remportés par le gouvernement jusqu’à présent pendant la pandémie, notamment l’achat de plus de deux milliards d’articles de protection individuelle, les fonds versés aux provinces pour les soins de santé en cas de pandémie et la constitution d’« une réserve de vaccins inégalée dans le monde, comprenant 449 millions de doses, soit plus de 10 pour chaque Canadien ».

En ce qui concerne les nouvelles dépenses de soins de santé en cas de pandémie, le gouvernement investira davantage dans le dépistage et le traçage, ainsi que l’équipement de protection individuelle, et dépensera 150 millions de dollars pour améliorer la ventilation dans les édifices publics, afin de réduire la propagation de la COVID-19.

Mme Freeland a déclaré que les semaines et les mois à venir allaient être les plus difficiles de la pandémie.

« Nous devons nous entraider à passer l’hiver », a-t-elle déclaré.

Dans cet esprit, la Subvention salariale d’urgence du Canada revient à un maximum de 75 % pour la période allant du 20 décembre 2020 au 13 mars 2021.

Les taux actuels de la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer et de la mesure de soutien en cas de confinement demeureront aussi en place jusqu’au 13 mars 2021. Les entreprises bénéficieront d’un soutien hypothécaire plus important de jusqu’à 90 % de leur loyer, prolongé jusqu’en juin 2021.

Pour les secteurs les plus touchés par la pandémie, comme le tourisme, l’hôtellerie, les arts et la culture et le secteur de l’aviation, le nouveau Programme de crédit pour les secteurs très touchés offrira aux entreprises admissibles des prêts pouvant aller jusqu’à un million de dollars, sur une période de dix ans. Les prêts seront accordés par les banques et soutenus par le gouvernement.

De nouveaux fonds ont été annoncés pour les familles ayant des enfants de moins de six ans qui ont droit à l’Allocation canadienne pour enfants. Le gouvernement propose de fournir une aide supplémentaire temporaire pouvant atteindre 1 200 $ en 2021

Pour ce qui est du changement climatique, Mme Freeland a annoncé un plan visant à planter deux milliards d’arbres au cours des dix prochaines années. Les précédentes promesses de plantation massive d’arbres n’ont pas encore été tenues. La rénovation énergétique des maisons sera rendue possible grâce aux 2,6 milliards de dollars sur sept ans alloués à Ressources naturelles Canada, qui fournira jusqu’à 700 000 subventions pouvant atteindre 5 000 dollars pour aider les propriétaires à améliorer l’efficacité énergétique de leur maison.

Enfin, Mme Freeland a annoncé que le gouvernement ajoutera la TPS et la TVH aux services des géants multinationaux du Web comme Netflix et Spotify qui vendent au Canada et qu’il a décidé unilatéralement que ces sociétés devront payer des impôts.

Les députés libéraux l’ont chaleureusement applaudie à ce sujet. 
 

Loin d’être définitif

Les chefs de l’opposition ont été moins enthousiastes, mais se sont entendus sur un point : la mise à jour économique ne présente pas une voie d’avenir complète pour le Canada.

Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a déclaré que son parti « va probablement rejeter » le plan libéral lorsque ses mesures seront soumises au vote, tout en saluant des mesures comme l’augmentation de l’Allocation canadienne pour enfants et les fonds pour les soins de longue durée. Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a accordé une note d’échec à la mise à jour économique parce qu’elle n’en fait pas assez pour la garde des enfants ou l’assurance-médicaments, ou pour faire payer leur juste part aux Canadiens et Canadiennes les plus riches — y compris « ceux qui profitent de la pandémie ».

Quant au Bloc québécois, le leader à la Chambre, Alain Therrien, a remis en question le plan de vaccination et demandé pourquoi il n’y avait pas d’augmentation des transferts provinciaux en matière de santé, tandis que le chef du parti, Yves-François Blanchet, a déclaré sans ambages que le plan ne contient rien pour les personnes les plus vulnérables, dont les personnes âgées du Canada et le secteur des soins de santé. La chef des Verts, Annamie Paul, a interpellé le gouvernement au sujet de l’absence d’un plan pour se réunir avec les provinces et prendre des mesures concrètes pour réformer les soins de longue durée.

Les Canadiens et les Canadiennes ne devraient pas s’attendre à ce que ce soit la version finale de cette mise à jour économique et du plan de dépenses du gouvernement. Ce plan — sans doute le plus proche d’un budget que le Canada ait connu en près de deux ans — doit d’abord être adopté par la Chambre des communes. Compte tenu de la position des partis de l’opposition, les libéraux devront accepter des amendements, sinon ils pourraient se voir infliger une motion de confiance.

Et cela se traduirait par des élections au cours de l’hiver, une recrudescence des cas dans de nombreuses régions, et aucun vaccin anti-COVID-19 encore en vue.