Les régimes de retraite canadiens et le coronavirus

08 avril 2020
Pensions.

Alors que la pandémie de la COVID-19 se poursuit dans le monde entier, la Russie et l’Arabie saoudite se font la guerre pour le prix du pétrole. Ces deux événements entraînent une insécurité économique importante. Des millions de personnes sont visées par des ordonnances de confinement à domicile, et les demandes d’assurance-emploi atteignent un niveau record. Les titres boursiers ont chuté, perdant la plupart des gains réalisés au cours des trois dernières années. Le 23 mars 2020, le Dow Jones a atteint son point le plus bas depuis 2016, puis a remonté modestement avec la nouvelle des plans de relance économique massifs des gouvernements (pour ensuite redescendre). Le VIX (symbole de l’indice de volatilité de Cboe, également appelé « indice de la peur ») a atteint des niveaux jamais vus depuis la crise financière mondiale de 2008. Cette ambiguïté et ce contrecoup financier ont amené beaucoup de personnes à se demander ce qu’il adviendra de leurs pensions et de leurs économies.

Mais, même en cas d’incertitude, il est possible de voir un peu de lumière dans l’obscurité. Il est évident que la situation de financement de nombreux régimes de retraite subira les conséquences néfastes de la chute des marchés boursiers et de la baisse des rendements des obligations d’État à long terme. Au moment de la rédaction du présent texte, certaines estimations prévoient que la solvabilité des régimes de retraite pourrait chuter de 10 à 25 %. Cela aura probablement plusieurs conséquences selon le type de régime de retraite ou de mécanisme d’épargne-retraite en question.

Les participants à des régimes à cotisations déterminées constateront une diminution des rendements attendus de leur régime. Si un participant à un régime à cotisations déterminées prend sa retraite, sa pension risque d’avoir une valeur moindre qu’avant le début de la crise. Les participants à un régime à prestations cibles subiront probablement une augmentation de leurs cotisations et une réduction des prestations de retraite, sans oublier la possibilité d’une interruption de l’indexation de ces prestations dans un avenir prévisible, selon les règles particulières du régime.

Les participants aux régimes à prestations déterminées pourraient être moins touchés. Les obligations légales ou réglementaires exigent que les cotisations continuent d’être versées aux fonds de pension à prestations déterminées, généralement indépendamment des turbulences économiques, et que les pensions à prestations déterminées sont établies pour le long terme. Toutefois, les régimes à prestations déterminées seront également moins solvables au cours des prochaines années. Si l’employeur qui parraine le régime à prestations déterminées doit fermer ses portes ou déclarer faillite — ce qui est une perspective à laquelle certains employeurs seront aux prises lorsque nous nous remettrons des effets de la pandémie de COVID-19 —, leurs pensions auront une valeur moindre, en particulier dans les régions du pays où les exigences de solvabilité sont moins strictes.

Les régimes à prestations déterminées peuvent également être soumis à une pression croissante pour être liquidés ou résiliés, ou pour être convertis en régimes à cotisations déterminées. Lorsque les régimes de retraite sont moins solvables, les engagements des employeurs peuvent augmenter dans les bilans. L’incertitude économique actuelle constituera une forte motivation pour supprimer ces engagements de retraite, possiblement un abandon des régimes à prestations déterminées.

Les personnes qui cotisent à des régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) peuvent s’attendre à subir des pertes importantes sur la valeur de leurs investissements, et cette période sera difficile jusqu’à la reprise des marchés boursiers.

Mark Machin, qui est le chef de la direction d’InvestissementsRPC, l’organisation qui investit l’argent que nous versons au Régime de pensions du Canada (RPC), a récemment déclaré que « les gens ne devraient pas penser qu’il s’agit d’un armagédon éternel ». De nombreux régimes de retraite, comme le RPC, sont conçus pour le long terme. L’année dernière encore, l’actuaire en chef du Canada a déclaré que le RPC serait stable pendant les 75 prochaines années. Le RPC a un portefeuille diversifié qui comprend des biens immobiliers et d’autres actifs de placement à long terme. Cela réduit le risque de surexposition à un marché ou à une catégorie, par exemple au secteur de l’énergie qui subit des baisses importantes. M. Machin a souligné que pendant la crise financière de 2008, la caisse du RPC a perdu 18,8 % en un an, mais que six ans plus tard, il avait gagné 18,3 % en un an. Le concept des fonds de pension comprend le versement de cotisations périodiques et des investissements intelligents pour soutenir le rendement à long terme et non pas le rendement au cours d’un seul événement, comme la pandémie dans laquelle nous nous trouvons. Pour sa part, InvestissementsRPC, l’organisme responsable placements des caisses des régimes de retraite du secteur public fédéral, a déclaré qu’il était un investisseur à long terme et un acteur financièrement stable dans le système financier mondial. InvestissementsRPC a une cote de crédit AAA, dispose de flux de trésorerie positifs et son endettement est faible (ce qui signifie que cet organisme n’a pas emprunté d’argent pour investir). Il convient également de souligner qu’une portion des pensions de nos membres est liée à des accords antérieurs à 2000. Elles sont versées directement à même le fonds d’administration générale du gouvernement et ne subissent donc pas les effets négatifs des marchés. 

Alors que nous faisons de notre mieux pour surmonter cette tempête, nous devons également nous préparer à la conjoncture économique de l’après-pandémie. Certains employeurs et régimes de retraite vont disparaître, de nombreux particuliers subiront une ponction de leurs économies personnelles et les gouvernements prennent déjà des engagements économiques imposants qui risquent d’entraîner des déficits budgétaires, afin de diriger le pays pendant la plus grave portion de la pandémie de COVID-19. Nous pouvons nous attendre à une augmentation de la « jalousie des pensions », car de nombreux Canadiens perdent leur emploi, risquent de perdre leur pension et subissent des pertes graves de leurs autres économies, si toutefois ils en ont. Des pressions s’exerceront également exercées sur les gouvernements pour qu’ils fassent des économies, et les régimes de retraite du secteur public fédéral pourraient se trouver à nouveau dans la mire de coupes budgétaires. Il sera important de rester vigilant, de se souvenir que les pensions sont conçues pour durer, qu’il y aura de bonnes et de mauvaises années, et que la sécurité du revenu de retraite ne consiste pas à niveler vers le bas, mais représente plutôt une garantie que tous les Canadiens méritent.