Défenseure résolue des aînés

02 avril 2020
Ministre des aînés Deb Schulte.
Nouvelle venue au sein du Cabinet, Deb Schulte est loin d’être novice en matière d’enjeux relatifs aux aînés, car elle a fondé le caucus libéral sur les aînés. 
 

Lorsque Deb Schulte a prêté serment en tant que ministre des Aînés du Canada en novembre 2019, elle faisait partie des huit nouveaux arrivants au sein du gouvernement. Mais la députée de la région de Toronto en sait déjà long sur les enjeux liés aux aînés.

Élue pour la première fois en 2015, la députée de Vaughan-King City s’est immédiatement efforcée d’imprimer sa marque sur la Colline du Parlement. Dans les cinq mois qui ont suivi son élection, elle est devenue la présidente fondatrice du caucus libéral sur les aînés, un groupe d’intérêt très influent.

Pendant ses mandats de conseillère municipale de la Ville de Vaughan, au nord de Toronto, et de conseillère régionale dans la région de York, de 2010 à 2014, Mme Schulte a pu saisir la pleine mesure des problèmes vécus par les aînés, par exemple pour les soins à domicile ou le logement.

« Je sais que les trois paliers de gouvernement doivent travailler de concert pour répondre aux besoins des aînés », explique-t-elle. «Mon parcours s’avère donc particulièrement utile. »

Selon Statistique Canada, 17% de la population canadienne a plus de 65 ans, et ce chiffre devrait atteindre 26% au début de la prochaine décennie. Au cours du siècle dernier, l’espérance de vie moyenne a augmenté de 30 ans au Canada et on y compte maintenant plus d’aînés que d’enfants. C’est dire que les aînés constitueront dorénavant un sujet politique brûlant lors des élections.

Mme Schulte a créé le caucus libéral sur les aînés avec l’ambition de trouver des solutions pour remédier à des situations dont elle a été témoin en tant que conseillère municipale.

Ceux qui connaissent bien la colline du Parlement savent que ce sont les comités et les groupes d’intérêt qui font tourner la machine. Au début de chaque législature, les députés du gouvernement et de l’opposition sont affectés à des comités permanents de la Chambre des communes portant sur des questions cruciales pour le bon fonctionnement du gouvernement, comme les finances, les transports, les affaires étrangères ou la santé, entre autres.

C’est au sein des comités permanents que les questions sont débattues, que les recommandations sont faites et que les lois sont examinées avant d’être adoptées par la Chambre des communes.

Pour les députés qui ont l’énergie et l’inclination nécessaires, il existe des groupes d’intérêt auxquels ils peuvent participer pendant leur temps libre. Sans jouir d’un statut officiel, ces groupes sont toutefois souvent influents en coulisses.

Dans le passé, plusieurs gouvernements ont fait appel à des groupes d’intérêt pour élaborer leurs politiques, mais ils ont joué un rôle particulièrement important lors du premier mandat du gouvernement Trudeau.

Le caucus libéral sur les aînés en est l’illustration parfaite. Une vingtaine de députés de tout le pays se sont réunis un soir par semaine, pendant que la Chambre siégeait, pour définir des propositions visant à améliorer le quotidien des Canadiens âgés. Ils ont fréquemment invité des groupes représentant les aînés, comme l’Association nationale des retraités fédéraux (Retraités fédéraux), à présenter des propositions en mesure d’améliorer les politiques gouvernementales.

De fait, Mme Schulte attribue à Retraités fédéraux une grande partie des propositions qui figuraient dans les divers rapports que ce groupe informel a remis au caucus libéral national au cours de ces trois années. L’une des principales recommandations portait sur la création d’un portefeuille ministériel consacré aux aînés, que Retraités fédéraux revendique depuis longtemps et qui s’est matérialisé.

En août 2018, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé que la députée de Hamilton, Filomena Tassi, serait la toute première ministre des Aînés du Canada. Après l’assermentation du nouveau gouvernement après les élections de 2019, Mme Tassi est devenue ministre du Travail et le premier ministre a confié le portefeuille des Aînés à Mme Schulte.

Mme Schulte a ainsi eu l’honneur d’occuper un poste ministériel qu’elle a largement contribué à créer. « Je suis maintenant en mesure de mettre en œuvre un grand nombre des recommandations du caucus [sur les aînés].»

Ce concours de circonstances n’est pas le fruit du hasard.

Retraités fédéraux jouera auprès d’elle un rôle de conseiller absolument essentiel, ajoute-t-elle. Après son assermentation, c’est d’ailleurs avec le président de Retraités fédéraux, Jean-Guy Soulière, qu’elle a tenu l’une de ses premières réunions téléphoniques.

Le contenu du programme électoral 2019 des libéraux provenait en grande partie du caucus libéral sur les aînés, souligne Mme Schulte.

Le programme qui a permis au gouvernement Trudeau d’être réélu l’automne dernier comprenait des propositions auxquelles les aînés accordent énormément d’importance. La première d’entre elles est l’augmentation de 10% des prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) à partir de 75 ans. Aux dires du gouvernement, cette mesure permettrait de mettre jusqu’à 729 dollars de plus par an dans les poches de la plupart des Canadiens âgés et contribuerait à sortir 20000 aînés de la pauvreté. La deuxième porte sur l’augmentation de 25% des prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) pour les veuves et les veufs. Ce changement, qui devra être négocié avec les provinces et les territoires, se traduirait par des prestations supplémentaires pouvant atteindre 2080$ par an.


Retraités fédéraux jouera auprès d’elle un rôle de conseiller absolument essentiel, ajoute-t-elle. Après son assermentation, c’est d’ailleurs avec le président de Retraités fédéraux, Jean-Guy Soulière, qu’elle a tenu l’une de ses premières réunions téléphoniques


«Ce furent trois années remarquables », dit-elle, au sujet du caucus sur les aînés. «Beaucoup de choses en sont ressorties.»

Elle a également acquis une expérience précieuse au cours de ce premier mandat après avoir été nommée secrétaire parlementaire auprès du ministre du Revenu, un poste qui lui a permis de siéger sans droit de vote au puissant Comité des finances.

En plus de remplacer le ministre s’il ne peut assister à la période des questions, son travail consistait à être les yeux et les oreilles du gouvernement dans les comités permanents.

Outre sa connaissance des enjeux touchant les aînés, la possibilité d’observer les travaux du Comité des finances au nom du gouvernement lui a permis de mieux comprendre comment les priorités sont établies en matière de dépenses, – un excellent tremplin pour faire avancer les choses en tant que ministre des Aînés.

« Les travaux qui nous attendent s’annoncent passionnants. L’avenir me semble prometteur », a récemment déclaré Mme Schulte lors d’une entrevue.

Lorsqu’elle a obtenu son diplôme d’ingénieure de l’université de Princeton, Mme Schulte s’attendait à tout sauf à jouer un rôle crucial dans l’évolution de la politique canadienne à l’endroit des aînés.

Avant de faire de la politique, elle a en effet passé 22 ans dans l’industrie aérospatiale, notamment en travaillant sur le jet navette Dash-8 en 1982.

Minister for Seniors Deb Schulte.
Deb Schulte : « Les trois paliers de gouvernement doivent travailler de concert pour répondre aux besoins des aînés.» Photo : Avec l'aimable autorisation du bureau de la ministre Schulte.

« Il ne m’a jamais traversé l’esprit que j’appliquerais mes connaissances en ingénierie et en résolution de problèmes à des enjeux communautaires », avoue-t-elle.

Ce n’est qu’après la naissance de ses deux fils qu’elle a commencé à écouter ses instincts d’ingénieure professionnelle pour aborder des enjeux communautaires, comme les soins aux aînés, sous l’angle de la résolution de problèmes, un instinct qui lui sera probablement fort utile dans ses fonctions de ministre des Aînés.

La lettre de mandat que le premier ministre lui a envoyée avant Noël comporte une longue liste de tâches à réaliser lors du second mandat du gouvernement.

Outre les deux propositions figurant dans le programme électoral — l’augmentation des prestations de la SV et des prestations de survivant du RPC —, la nouvelle ministre des Aînés est invitée à travailler avec les ministres de la Santé et des Finances à la mise en place d’un régime d’assurance-médicaments, à l’élimination de la maltraitance à l’égard des aînés, à la mise en œuvre de programmes comme un conseil national des aînés et à une réflexion sur les enjeux qui touchent les aînés, comme le vieillissement en bonne santé et le logement.

Dans le meilleur des cas, le défi est de taille. Mais comme les électeurs ont réduit les libéraux à un gouvernement minoritaire aux Communes à l’automne dernier, ce qui signifie que les partis d’opposition peuvent déclencher de nouvelles élections à tout moment, le mandat s’annonce particulièrement ardu.

Il n’est donc pas surprenant que Mme Schulte se montre philosophe lorsqu’on l’interroge sur les échéanciers.

«De toute évidence, nous n’avons pas de boule de cristal », commente-t-elle. « L’objectif est d’accomplir le plus de choses possible.»

À lui seul, le régime d’assurancemédicaments lui donnera du fil à retordre, car la prestation de soins de santé relève des provinces et plusieurs d’entre elles, dont l’Ontario, n’aiment pas l’idée.

Lorsqu’Ottawa a créé le régime national d’assurance-maladie en 1968, seules deux provinces — la Saskatchewan et la Colombie-Britannique — ont accepté d’y participer. Ce n’est qu’à partir de 1972 que les provinces sont toutes devenues membres à part entière du régime de santé publique du Canada.

Il en sera sans doute de même pour l’assurance-médicaments. Mme Schulte pense qu’il y a suffisamment de personnes prêtes à continuer à s’attaquer à cette question et à d’autres initiatives touchant les aînés pour que ces efforts soient couronnés de succès.

«Déjà, on en a beaucoup fait », affirmet-elle, citant en exemple la bonification du RPC et l’élaboration d’une stratégie nationale sur la démence pendant le premier mandat des libéraux.

« Les choses évoluent… au Canada, nous sommes privilégiés. Nous disposons d’un bon filet de sécurité», estime-t-elle, ajoutant que les Canadiens devraient être très fiers de ce qui a été accompli jusqu’à présent, tout comme ils le seront de ce qui sera réalisé.


« Je suis maintenant en mesure de mettre en œuvre un grand nombre des recommandations du caucus [sur les aînés] ».


De la même façon qu’elle a appris à voir les choses avec le regard d’une ingénieure axée sur la résolution des problèmes, voici ce que Mme Schulte a retenu de son parcours municipal : les jeux de pouvoir et la nécessité d’une coopération intergouvernementale. Pour faire avancer les choses, il faut des partenaires.

« Je sais que les différents paliers de gouvernement doivent travailler de concert pour répondre aux besoins des aînés.»

L’établissement de ces partenariats, en particulier avec la Fédération canadienne des municipalités, constituera une priorité importante. Mme Schulte cherchera également à obtenir un soutien bipartite, car les programmes électoraux du NPD et d’autres partis comportaient des éléments progressistes.

Vers la fin de l’entrevue, Mme Schulte a confié cette constatation : «Ce que je trouve décevant quand je fais du porteà-porte, c’est que les gens ne savent pas vraiment ce que nous faisons.»

Le problème est que les efforts de nombreuses personnes œuvrant sur la Colline du Parlement passent inaperçus, ou ne sont tout simplement pas signalés.

«Ce n’est pas seulement le travail (du bureau du premier ministre) », insiste-t-elle. «C’est aussi celui du caucus.»

En 1969, Pierre Trudeau, alors premier ministre, a déclaré en plaisantant que les députés devenaient de parfaits inconnus du public, dès qu’ils s’éloignaient de plus de 15 mètres de la colline du Parlement.

Deb Schulte est résolue à donner tort au père de l’actuel premier ministre.

 

Cet article a été publié dans le numéro de printemps 2020 de notre magazine interne, Sage. Veuillez télécharger la version intégrale de l’article ou du numéro, et feuilletez nos anciens numéros!