Quand le mariage tourne mal

22 septembre 2021
In several provinces, marriage revokes a will and some looking to take advantage,
Dans plusieurs provinces, le mariage révoque un testament et certains individus cherchant à exploiter des aînés vulnérables s’en sont servis à leur avantage.
 

L’inquiétude suscitée par l’exploitation d’une population vieillissante vulnérable aux mariages de prédation a produit des appels dans tout le pays en faveur d’une protection accrue par la loi.

Dans toutes les provinces sauf quatre, le mariage révoque un testament. Dans la plupart des provinces, un conjoint a droit à la succession de l’autre du simple fait du mariage, à moins d'un nouveau testament. Cela laisse certaines personnes, notamment celles dont les capacités cognitives diminuent, exposées à la possibilité d’un mariage de prédation.

La Colombie-Britannique, l’Alberta et la Saskatchewan ont abrogé cette disposition, l’Ontario devrait bientôt emboîter le pas avec le projet de loi 245, et le Québec ne l’a jamais eue.

Mais même dans les provinces où un testament préexistant peut survivre à un mariage, on craint que le test de la capacité de se marier au Canada ait un seuil si bas que les personnes âgées et les autres personnes dont la capacité est réduite soient des cibles faciles pour les voleurs et les fraudeurs qui ont d’autres moyens d’accéder à la richesse de leur nouveau conjoint dans le cadre du mariage.

Selon les avocats, cette préoccupation est renforcée par les recommandations de la pandémie en matière de distanciation physique, laissant de nombreuses personnes éloignées des membres de leur famille proche pendant de longues périodes.

« La pandémie a créé une situation d’isolement, d’aliénation et de séquestration accrus des personnes âgées », déclare l’avocate torontoise Kimberly A. Whaley, qui milite ouvertement en faveur du changement. « Par conséquent, notre communauté d’adultes en souffre davantage à tous les égards, en particulier pour l’exploitation financière, qui est bien plus facile à perpétrer maintenant. Personne ne fait attention. Tout le monde a une raison de ne pas être au courant de ce que fait une personne âgée isolée. »

« Les mariages de prédation sont simplement un autre type d’exploitation financière... Je constate de l’exploitation financière dans presque tous les cas qui passent la porte récemment. »

En plus des mariages de prédation, Mme Whaley constate d’autres types de relations de nature exploitante, dont certaines ont pour seul but d’avoir accès au patrimoine d’une personne âgée, au moyen de son testament, de dons ainsi que du transfert d’actifs et de biens. En général, la cible n’a pas la capacité pleine et entière pour effectuer des transactions qu’elle peut être leurrée à faire par la ruse.

Selon Mme Whaley et Albert Oosterhoff, conseiller juridique à Whaley Estate Litigation Partners, l’élimination imminente, par l’Ontario, de la règle qui révoque les testaments après le mariage, n’est qu’une première étape. Le conjoint continue d’avoir d’autres droits importants, notamment celui de réclamer un paiement d’égalisation de la succession de la première personne qui décède et celui de réclamer une pension alimentaire à la succession.

« Il y a bien plus à faire que de se contenter d’abolir la disposition de révocation en raison du mariage », dit M. Oosterhoff. « Le simple test de la capacité de se marier est un gros problème auquel on ne pourrait remédier maintenant que par une loi. »

Selon Emily Clough, avocate à Vancouver, différentes actions nécessitent différents niveaux de capacité en droit. Le jugement et la capacité cognitive sont nécessaires pour gérer ses finances, par exemple. Mais le test de la capacité de se marier est considéré comme étant le plus bas de tous les seuils de capacité.

Même si le mariage ne révoque plus un testament en Colombie-Britannique depuis 2013, Mme Clough a soulevé la question de la capacité devant la Cour suprême de cette province. Elle constitue maintenant un exemple de la faiblesse du test à travers le pays.

Donna Walker with Donna Devore-Watson.

Donna Walker était atteinte de la maladie d’Alzheimer lorsqu’un homme nettement plus jeune qu’elle l’a convaincue de l'épouser en secret et lui a fait signer une procuration. Mme Walker (à g.) est représentée avec sa nièce et représentante, Donna Devore-Thompson.
 

La principale protagoniste de cette cause était Donna Walker qui, même en étant atteinte de la maladie d’Alzheimer, avait pu continuer à vivre de façon autonome dans son appartement en copropriété, avec l’aide de sa nièce, Donna Devore-Thompson, également sa mandataire.

Mais ce que sa nièce ignorait, c’est qu’un homme nettement plus jeune que sa tante s’était lié d’amitié avec cette dernière et l’avait emmenée voir un commissaire au mariage qui les avait secrètement unis. Il l’avait également emmenée chez un avocat pour être son mandataire et l’hériter de son appartement, son principal actif, dans son testament.

La cause est inhabituelle en ce sens qu’elle s’est rendue devant un tribunal, forçant ainsi une décision et créant un précédent.

« Le tribunal a reconnu que tante Donna était incapable de contracter ce mariage et de rédiger ce testament », explique Mme Clough. « La psychiatre gériatrique traitante a présenté des preuves convaincantes... elle a dit que peu importe le test de la capacité de se marier, de contracter un mariage, Mme Devore-Thompson avait une capacité inférieure à cela. Il lui restait très peu de mémoire, très peu de fonctions cognitives. »

Mme Clough affirme qu’environ la moitié de ses causes portent sur la question de la capacité et qu’elle aimerait que le seuil de capacité pour le mariage soit plus élevé.

Le test actuel provient d’une ancienne loi britannique qui ne s’applique plus à la société d’aujourd’hui. Et pourtant, elle le considère comme essentiel.

« À mon avis, lorsque les gens se marient, cela entraîne un changement important », y compris les droits sur la succession de l’autre. Les conjoints deviennent les premiers à hériter en cas de succession non testamentaire ou lorsqu’il n’y a pas de testament, et ils ont la possibilité de demander à un tribunal de modifier le testament dans des endroits comme en Colombie-Britannique où le mariage ne révoque pas un testament. En vertu du droit de la famille, un conjoint a également qualité pour agir dans le cadre de la division des biens ou de la pension alimentaire pour conjoint, ainsi que des droits à certains partages de pension.

« Le fait de se marier déclenche un ensemble assez important d’intérêts et je dirais que notre loi actuelle... ne tient pas compte de ce qu’il en est réellement. Et peut-être faudrait-il faire valoir que les gens devraient être capables de comprendre le résultat réel de l’acte de se marier », dit-elle.

Cela dit, toute réforme législative visant à protéger les personnes contre les prédateurs doit trouver un juste équilibre. Il faut aussi protéger les droits des personnes atteintes de troubles cognitifs qui souhaitent se marier.

Au Manitoba, une proposition vise à abolir la révocation automatique d’un testament lors d’un mariage ultérieur. Et, même si cette question est considérée comme préoccupante dans l’Est du Canada, aucune mesure importante n'y remédie, affirme Sarah M. Almon, qui pratique le droit successoral et fiduciaire à Halifax.

« À l’heure actuelle, le mariage a pour effet général de révoquer les testaments antérieurs dans toutes les provinces du Canada atlantique », dit-elle, ajoutant que chaque province a une législation légèrement différente. « Les praticiens du domaine se préoccupent certainement des mariages de prédation, comme ailleurs au Canada, car les gens vivent plus longtemps. »

Dans son travail, Mme Almon vérifie souvent la capacité d’une personne. Mais les avocats n’interviennent généralement pas au moment du mariage. Il incombe donc aux amis et à la famille de surveiller les proches, en particulier les personnes âgées dont l’acuité mentale peut diminuer.

« Étant donné qu’il est difficile de réparer les dommages causés par un mariage de prédation, qui peuvent ne se manifester que plusieurs années après le mariage, nous devons tous être vigilants, car les Canadiens vivent plus longtemps et les mariages ultérieurs se produisent. Nous devons veiller sur les personnes les plus vulnérables de la société — nos aînés. »

 

Cet article a été publié dans le numéro de l'automne 2021 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?